ET LA MER S’EST MISE À BRÛLER

NOTES D’INTENTION

L’acrobatie est une pratique qui demande l’engagement physique total de l’interprète. Le corps, lui, raconte simplement par son mouvement. Peut-il se mettre au service d’une histoire et de la parole ? Sensible à l’idée d’apporter une dimension cinématographique à la structure du récit et aux images qu’il provoquera, j’ai décidé de faire appel à Pierre Le Gall (scénariste rencontré au début de mon compagnonnage avec Le Théâtre du Phare) pour écrire à mes côtés ce spectacle.
Notre rencontre avec Pierre Le Gall s’est faite autour de notre passion commune pour le cinéma avec ses dialogues, ses images et tout ce que cela nous suggère.

Valia Beauvieux, metteur en scène

Quand Valia m’a partagé son envie d’aborder le rapport fraternel et l’écueil de la virilité à travers des corps-cicatrice, les images ont fusé. J’y ai revu ma propre enfance et la relation conflictuelle que j’entretenais avec mon demi-frère. Celui que je ne voyais que quelques jours par an, l’été, dans la maison des grands-parents. Ces deux frères bagarreurs qui vont apprendre à s’aimer dans notre texte, c’est une bouteille que je jette à la mer, espérant qu’elle gagne un jour la Floride où vit cet « autre moi » avec qui – à regret – je ne communique plus depuis des années.
L’histoire est celle de deux adolescents en pleine construction masculine. Ils veulent se prouver qu’ils sont déjà des hommes, des vrais. À l’image de ce père absent qu’ils fantasment tant. Alors commence sous une chaleur caniculaire une guerre fratricide pour savoir lequel des deux est le fils légitime, celui dont papa serait fier. En duel permanent, les deux frères se rendent coup pour coup, se blessent, se menacent et épuisent leur grand-mère. S’inspirant du théâtre de récit, nous imaginons un texte sur plusieurs temporalités, aimant manier les fantasmes et les souvenirs    des    personnages tels des flash-backs de cinéma. Les circassiens racontent autant qu’ils jouent. Corps et mots se complètent, se transcendent et s’affrontent pour panser les cicatrices de l’abandon. Et peu à peu, le dialogue s’instaure, les corps s’imbriquent et la relation fraternelle s’esquisse par touche, et se complexifie.

Pierre Le Gall, scénariste